Le projet de réforme des retraites enfin dévoilé

Ce mercredi 11 décembre, le Premier Ministre a présenté les grandes lignes de son projet de refonte du système de retraite, réforme phare du quinquennat du Président MACRON, après 20 mois de discussions avec les partenaires sociaux et deux consultations citoyennes nationales.

Deux points essentiels sont à retenir des annonces faites : le décalage de l’application de la réforme aux générations nées à compter de 1975 (contre 1963 prévu initialement), et l’instauration d’un « âge d’équilibre » cible de 64 ans pour 2027, qui impacterait donc les conditions de départ des générations nées dans les années 1960.

 

Une réforme avant la réforme

Même si les actifs nés avant 1975 ne cotiseront pas dans le nouveau système par points, ils devraient se voir  rapidement impactés par une réforme paramétrique visant à instaurer un âge de départ de 64 ans à l’horizon 2027.

Le Gouvernement laisse le soin aux partenaires sociaux de négocier les modalités de cette « réforme avant la réforme » dès 2021, pour une mise en place progressive s’étalant de 2022 à 2027.

« En l’absence de décision, la loi fixera à compter du 1er janvier 2022 un âge d’équilibre de 62 ans et 4 mois qui augmentera ensuite de 4 mois par an pour rejoindre progressivement l’âge d’équilibre du futur système, soit 64 ans en 2027 ».

Cette mesure semble tout à fait en phase avec l’une des solutions présentées par le COR dans son rapport du 22 novembre dernier pour rétablir l’équilibre financier du système de retraite en 2025 : une hausse progressive de « l’âge minimum du taux plein » de 3,5 mois par an pour les générations 1959 à 1963.

Ainsi, les générations à compter de 1960 seraient impactées par un recul de leur âge minimal de départ à taux plein. En deçà de son âge d’équilibre, la génération concernée se verrait appliquer une décote sur le montant de ses pensions, et une surcote au-delà, fixées, à défaut d’accord sur le sujet, à 5% par année de décalage autour de l’âge pivot.

 

Qui cotisera dans le nouveau système ?

C’est la seconde nouveauté : le Gouvernement repousse l’application du nouveau système aux assurés nés à compter de 1975, et distingue ainsi 3 catégories d’actifs :

  • Ceux nés avant 1975, qui ne seront pas concernés par le nouveau système,
  • Ceux nés de 1975 jusqu’en 2003, génération de transition qui commencera à cotiser dans le nouveau système en 2025 (pour rappel, les droits acquis au 31 décembre 2024 seront liquidés selon les anciennes règles puis convertis à l’euros près en points du nouveau système) soit dès l’âge de 50 ans pour la génération 1975,
  • Ceux nés à compter de 2004, qui ne seront pas concernés par l’ancien système puisqu’ils cotiseront dès leur entrée sur le marché du travail au nouveau système de retraite, et ce dès 2022, soit à l’âge de 18 ans.

Ainsi, les premières liquidations de droits « nouveau régime » n’auraient potentiellement pas lieu avant l’horizon 2035 (aux 60 ans de la génération 1975).

Cet arbitrage, destiné à faire paraître la réforme moins brutale car plus lointaine (aussi dénommée « clause du grand-frère ») va probablement se révéler complexe à mettre en œuvre : les entreprises comme les caisses de retraite devront ainsi mettre en place deux systèmes de cotisation ancien et nouveau régime, en deux temps (dès 2022 pour les nouveaux embauchés nés à compter de 2004, puis 2025 pour les employés nés à compter de 1975).

En tout état de cause, les droits acquis dans le système actuel seront « intégralement maintenus » : la part de la pension relative à la carrière effectuée avant 2025 sera calculée avec les règles actuelles, notamment concernant les droits familiaux, avec une prise en compte des trimestres actuels de majoration de durée d’assurance.

Cependant, rappelons que l’intérêt premier de ces majorations reste pour les femmes d’obtenir une pension à taux plein plus tôt, alors que demain, l’âge de départ à taux plein sera figé pour tous.

 

 

Quelles nouveautés par rapport au projet DELEVOYE ?

Le projet de réforme reste fidèle aux propositions du rapport DELEVOYE (lire notre article Le Futur visage de la réforme) : les 42 régimes actuels fusionneront au 1er janvier 2025 en un régime universel en points, fonctionnant par répartition, ce qui acte donc de la disparition des régimes spéciaux.

Quelques nouveautés cependant ont été annoncées par le Premier Ministre.

 

La confirmation d’un âge de départ commun à tous

Le débat entre l’instauration d’un âge pivot commun à tous, autour duquel s’appliquerait un mécanisme de décote / surcote, ou la mise en place d’un âge du taux plein personnalisé en fonction d’une durée de cotisation semble tranché : il y aura bien un âge d’équilibre fixé pour tous, en fonction de ce qui sera décidé à compter de 2022, soit 13 ans avant les premiers départs intégrant des droits « nouveau système » :

« Les partenaires sociaux fixeront l’évolution de l’âge d’équilibre, ainsi que le montant du malus et du bonus ; à défaut, le bonus et le malus seront de 5% par an afin d’assurer la neutralité actuarielle du système ».

L’âge légal de départ en retraite, lui, reste sans surprise fixé à 62 ans, comme promis par Emmanuel MACRON lors de sa campagne présidentielle.

Le Premier Ministre a également confirmé le maintien d’âges de départ dérogatoires concernant les carrières longues, les actifs exerçant des professions spécifiques (policiers, militaires, etc…) et pour les travailleurs confrontés à la pénibilité : celle-ci sera étendue aux fonctionnaires, et permettra d’anticiper de deux ans son départ en retraite.

 

La valeur du point ne pourra pas baisser

La revalorisation de la valeur du point se fera progressivement en fonction de l’évolution des salaires (plus favorable qu’une indexation sur l’inflation), et cette valeur ne pourra pas baisser, principe qui sera inscrit dans la loi sous forme de règle d’or.

Il appartiendra aux partenaires sociaux de fixer cette valeur chaque année, sous contrôle du Parlement.

 

Une majoration familiale supplémentaire pour les familles nombreuses

Autre nouveauté du projet de réforme : les parents de familles nombreuses, soit à partir de 3 enfants, se verront attribuer une majoration de leurs points de 2% venant s’ajouter aux 5% prévus par enfant.

Ces majorations pourront faire l’objet d’un partage entre le père et la mère et se verront attribuées automatiquement à la mère à défaut d’option contraire.

 

Des dispositifs de transition emploi-retraite assouplis

Dans l’objectif de « donner davantage de liberté aux personnes pour organiser leur fin de carrière » et de favoriser l’emploi des seniors, le Gouvernement propose d’assouplir la retraite progressive et le cumul emploi retraite.

La première, qui permet de cumuler à partir de 60 ans activité à temps partiel et fraction de ses pensions de retraite, sera désormais ouverte à tous les salariés, y compris aux cadres au forfait jusqu’alors exclus du dispositif. De plus, l’employeur refusant l’accès à une demande de retraite progressive devra « démontrer que la réduction du temps de travail est impossible, compte tenu de l’activité économique de l’entreprise ».

Le cumul emploi-retraite, quant à lui, ouvrira de nouveaux droits à la retraite « à compter de l’atteinte de l’âge d’équilibre ». A priori, l’actif cumulant pension liquidée avant 64 ans avec décote et activité ne se verra pas attribuer de points supplémentaires, comme c’est le cas aujourd’hui à tout âge.

 

Le projet de réforme devrait être finalisé avant la fin de l’année, et présenté en Conseil des Ministres à la fin du mois de janvier 2020, pour un vote de la loi d’ici l’été prochain.

Elle fixera les grandes lignes de la réforme et renverra à des ordonnances et décrets d’application concernant le détail des modalités de mise en œuvre, et de la transition de l’ancien système vers le nouveau.

 

 

En savoir + :

– Consulter notre infographie

Dossier de presse du système universel de retraite

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auteur(S)

Forte d’une expérience de près de 20 ans au sein d’institutions de retraite obligatoire et de cabinets spécialisés en protection sociale, Fanny a rejoint SIACI SAINT HONORE en 2017 en tant que consultante Transition Emploi Retraite.

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